Kaïros Sessions #5

 


Kaïros Sessions #5
 
Kairos (καιρός) : le temps du moment opportun. Il qualifie un intervalle, ou une durée précise, importante, voire décisive.
 
Pannonica Nantes
 
Nour Laurène Pierre-Magnani - Chant, textes
Raphael Herlem - Sax Baryton, Alto
Serge Rozumek - Sax Alto, soprano
Alexis Oger - Basse
Sven Michel - Batterie, percussions, trombone
Julien Ouvrard - Batterie, percussions
Irina Leach - claviers

Il y a presque un an jour pour jour, je découvrais le collectif Gros Caillou, musiciens Nantais gravitant autour du jazz, à travers leur Kaïros Session #4 à l'Atelier du Dahu. Ça avait été une grosse claque musicale sur laquelle j'ai longuement écrit.

La semaine dernière, j'ai eu l'occasion de les revoir au Pannonica cette fois, et j'étais curieux de voir, passée la surprise de la première découverte comment j'allais appréhender ce second concert. 

Pour ceux (sans doute nombreux) qui n'auraient pas lu ma première diatribe enthousiaste il y a un an, les Kaïros Session réunissent 7 musiciens (chant, deux saxophones, deux batteries, une basse et un clavier) autour d'un non-répertoire. La musique n'est ni écrite, ni répétée ni prévue et se construit en live par l'interaction des musiciens.

Avec le recul permis par le fait de les avoir déjà vus, j'ai pu noter plusieurs choses auxquelles je n'avais pas nécessairement fait attention lors du concert précédent. 

La première, c'est le degré de partage des initiatives. J'avais eu le sentiment la première fois qu'il y avait quelques décisionnaires plus marqués que les autres dans la "proposition musicale", c'est phase de flottement initiale ou chacun peut initier des concepts (rythmiques ou mélodiques) qui sont ou non repris par le collectif pour former la colonne vertébrale du morceau. Mais finalement, avec le recul de ce second concert, je me rends compte qu'il y a quelques chose de très "démocracie directe" dans le fonctionnement en temps réel du collectif. D'un morceau à l'autre, et même d'un passage à l'autre, les musiciens qui impulsent ces directions ne sont jamais les mêmes, et c'est vraiment très cool. 

La seconde chose qui m'est apparue plus évidente que la dernière fois c'est ce que je pourrais qualifier de manière pédante d'Alap, du nom des improvisations souvent planantes qui ouvrent les ragas Indiens. Chaque morceau commence par une phase de flottement, une sorte de chaos originel sans forme définie, ni rythmique ni harmonique, généralement assez calme. De cette soupe originelle émerge une structure sur laquelle les musiciens se greffent pour aller dans le sens choisi parmi les propositions mentionnées plus haut. Ce qui est intéressant c'est que ce calme avant la tempête agit aussi sur le spectateur, il place dans un état d'attente presque méditatif qui est franchement agréable.

Enfin, j'ai pu mettre le doigt sur quelque chose qui m'avait travaillé après le premier concert et qui s'est clairement confirmé avec le second: on assiste pas à une session Kaïros pour la musique (qu'on ne peut pas connaitre par avance puisque les musiciens eux-mêmes ne la connaissent pas) mais pour l'expérience musicale. Ce qui fait la magie de l'événement c'est sa nature ephémère par définition. La musique n'existe que dans l'instant, et c'est ce qui fait la magie de ces concerts. C'est aussi, je crois, la force de Gros Caillou sur ces événements parce que finalement ça peut plaire à tout le monde. Aucun besoin de bagage musical pour être plongé dans cette création spontanée. 

La cerise sur le gâteau de cette soirée c'est que je n'y suis pas allé seul, mais accompagné de ma fille de 13 ans, de ma nièce et une de ses amis de 16 ans, et de mon père de 82 ans. Si je n'avais pas de doute sur le fait que j'allais apprécier la soirée, j'étais moins confiant pour mes accompagnateurs. J'avais tort. Ma fille a adoré, et a exigé de moi en sortant que je l'amène aux sessions suivantes. Ma nièce et sont amie étaient un peu moins enthousiastes sans pour autant que ça leur ait déplu, mais ma nièce (batteuse et guitariste en herbe) était quand même toute retournée deux jours après. Et mon père enfin, qui n'écoute presque que du classique, a trouvé l'expérience très intéressante. Bref, une bonne soirée pour tout le monde. 

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